Numération : étiquettes-mots et étiquettes chiffrées

Introduction

Pour exprimer les nombres organisés dans notre système de numération positionnel en base 10, nous disposons de deux codes :

  • un code chiffré, exemple : 27 ; 19 ; 87.  Ce code est universel ;
  • un code mots, exemple : vingt-sept ; dix-neuf ; quatre-vingt-sept. Ce code varie au sein de la francophonie (Suisse – France – Belgique – …) et évidemment d’une langue à l’autre.


Les activités décrites ci-dessous utilisent des étiquettes chiffrées inspirées des cartes nombres Montessori1 et des étiquettes-mots reprenant les mots nécessaires pour dire et écrire les nombres entiers positifs en Belgique francophone.

On trouve sur la toile une grande variété de versions des cartes nombres Montessori. Voici les versions que nous avons réalisées pour tester les activités dans les classes.

Étiquettes chiffrées avec ou sans couleurs

Étiquettes chiffrées avec couleurs qui respectent les rangs de la numération (cartes nombres Montessori[1]). À noter que les unités de mille sont présentées en vert comme les unités simples.

Ci-dessous version neutre des étiquettes (voir annexe 1, Étiquettes chiffrées) qui évite que les enfants ne repèrent le 4 comme 4 centaines car il est rouge ; les enfants doivent plutôt repérer que ce 4 est en troisième position.

Étiquettes-mots (voir annexe 2 : Étiquettes-mots)

Nous proposons ici la version belge de l’expression des nombres, différente de la version française ou suisse (soixante-dix, huitante, octante). Les mots-nombres qui prennent le pluriel se terminent par un « s » entre parenthèses. La première lettre de tous les mots-nombres est une minuscule.

Exemples : vingt(s), mille, quatre, … Par facilité, nous choisirons dans nos activités avec les élèves de ne pas utiliser les traits d’union.

Nous n’avons pas utilisé d’étiquette zéro ni en chiffres ni en mots.  Dans ce type de matériel, ces étiquettes n’ont pas d’utilité :

  • en étiquettes chiffrées, pour écrire le nombre 305, il suffit d’associer l’étiquette 300 et l’étiquette 5 ;
  • en étiquettes-mots, zéro n’intervient que pour se désigner lui-même.

Les activités ci-dessous sont adaptées aux classes de P3 et P42. Elles ne pourront toutefois être proposées aux enfants qu’après un sérieux travail de construction du système de numération s’appuyant sur du matériel qui met en lien les différents rangs.
À ce sujet, nous renvoyons à l’ouvrage d’Anne Chevalier, ancienne membre du GEM, intitulé « RÉUSSIR L’ENTRÉE EN MATHÉMATIQUES, Construire les nombres naturels et les opérations » paru à Mons, en 2020, aux éditions Couleur livres asbl. La section « Fil 2 – Se représenter et désigner les nombres naturels : des groupements à la numération décimale » propose de nombreuses activités.

Le questionnement amené au travers de ces activités met en évidence que le code mots n’est pas d’une grande régularité, exprimant parfois le découpage décimal (trois-mille-quatre-cents – dix-neuf), cachant parfois ce découpage (seize, vingt), voire semant le trouble (quatre-vingts).

« La langue enseigne le système décimal comme une personne qui s’amuserait à parsemer son enseignement de pièges, énigmes et cocasseries en tous genres. »
Stella Baruk : L’âge du capitaine, Seuil, 1985.

Certaines activités utilisent uniquement les étiquettes-mots, d’autres demandent de les confronter aux étiquettes chiffrées. L’objectif sera double :

  • découvrir les différentes logiques de notre système numérique codé en mots ;
  • renforcer certaines compétences déjà exercées en amont.

Ces objectifs sont en cohérence avec les attendus du nouveau référentiel, dans le champ « De l’arithmétique à l’algèbre » et dans le bloc 1 « Appréhender le nombre puis la lettre dans tous leurs aspects ». Les attendus exercés par nos activités sont les suivants :

  • associer le nom d’un nombre naturel à son écriture en chiffres ;
  • dire, lire et écrire des nombres dans la numération décimale ;
  • décomposer et recomposer des nombres en lien avec la numération décimale (567 = 5 centaines, 6 dizaines et 7 unités) ;
  • comparer et ordonner des nombres.

Ce matériel peut être le support de nombreuses activités de la P1 à la P6

Si vous souhaitez l’adapter à vos classes, voici quelques paramètres sur lesquels vous pouvez agir :

  • limiter les étiquettes aux nombres inférieurs à 20, à 100, à 1000 ;
  • mettre en parallèle avec le support concret utilisé en classe ;
  • dépasser 1000, vers les grands nombres :
    • découverte de la logique des classes de numération (Quarante-trois-mille-deux-cent-vingt-cinq)
    • découverte qu’un même nombre peut se dire de deux façons (Quinze-cents = mille-cinq-cents)
  • utiliser des étiquettes chiffrées colorées ou pas ;
  • proposer une réserve d’étiquettes-mots en double pour pouvoir écrire « tous les nombres inférieurs à 1000 » ou fournir directement aux enfants celles nécessaires à l’activité proposée.Exemple : fournir deux fois l’étiquette cinq pour écrire le nombre cinq-cents-cinq.

De même, au sein d’une même classe, la différenciation est possible. En effet, en agissant sur ces paramètres, l’enseignant peut proposer une activité déclinée d’une version très accessible à un réel défi pour les petits chercheurs.

Lors des activités, l’enseignant peut se positionner en retrait et observer les élèves en recherche. Ces activités peuvent alors servir d’activités diagnostiques quant à la maîtrise du système de numération et/ou de compétences de traitement de données.

Activité 1 : Les nombres en mots

Matériel et organisation

Chaque duo d’élèves reçoit des étiquettes portant les mots qui permettent de dire les nombres jusqu’à 999.

Question 1

Vous avez devant vous des étiquettes-mots. Vous allez les utiliser pour écrire les mots « comme on les dit ». Par exemple, écrivez 724.

Question 2

Quels nombres entiers plus petits que 200 ne peut-on pas écrire avec ces étiquettes-mots ?

Question 3

Même question pour les nombres entre 200 et 300 ?

Question 4

Et dans les autres centaines ? Quels sont les constats ? Y a-t-il une régularité ?

Solutions

Q1 : il faut prendre les étiquettes-mots sept, cent, vingt et quatre.

Voici un tableau récapitulatif des solutions pour les questions Q2 à Q4 :

Q2 : on ne peut pas écrire quatre-vingt-quatre et cent-quatre-vingt-quatre.

Q3 : on ne peut pas écrire deux-cent-deux / deux-cent-vingt-deux / deux-cent-trente-deux /…. et deux-cent-quatre-vingt-quatre ; en résumé tous les nombres qui se terminent par 2, sauf 212 , c’est à dire 9 nombres sans oublier 284, ce qui fait 10 nombres au total.

Q4 : il y a des centaines spéciales :

  • « Les 400 » :
    les 9 cas qui se terminent par 4, en comptant par dix de 404 à 494 (dont déjà 484 et sans 414) ;
    plus les 9 cas 480 à 489 (sans compter 484 déjà compté).
  • « Les 700, 800 et 900 » :
    les 10 cas classiques (ceux qui utilisent deux fois la même étiquette-mot pour dire le nombre de centaines et le nombre d’unités), mais on y ajoute 717/818 et 919.

En conclusion, il y a au total 93 nombres qu’on ne peut pas écrire.

Commentaires

Alors que ce n’est pas demandé, certains duos rangent d’emblée leurs étiquettes-mots avec méthode (que ce soit horizontalement ou verticalement), ce qui leur facilitera grandement la recherche. Il faut parfois suggérer à d’autres duos de réaliser ce rangement.

Les élèves peuvent vivre l’activité chacun à leur niveau : certains sont encore dans l’appropriation de la numération tandis que d’autres, ayant déjà dépassé ce stade, sont directement en résolution de problèmes.

Le découpage des questions a été réalisé pour que chaque question amène de nouveaux problèmes :

  • Entre 480 et 489, il faut utiliser plusieurs fois l’étiquette – mot « quatre » ;
  • Les nombres 717, 818 et 919 nécessitent de doubler l’étiquette-mot des unités.

Certains élèves anticipent ces cas particuliers.

Si les enfants n’ont pas réalisé la nécessité de disposer de trois étiquettes « quatre » pour écrire 484, l’enseignant peut poser la question suivante : y a-t-il un nombre qui nécessite trois fois la même étiquette-mot ?

Une autre question possible : combien d’étiquettes-mot faut-il ajouter au matériel distribué pour pouvoir écrire chacun des nombres jusqu’à 999 ? Il faut donner un exemplaire supplémentaire de chaque étiquette-mot unité et un troisième exemplaire de l’étiquette-mot « quatre ».

Activité 2 : Étiquettes-mots et étiquettes chiffrées

Matériel et organisation

Chaque duo reçoit le matériel en étiquettes chiffrées et en étiquettes-mots pour écrire les nombres jusqu’à 999. Si les élèves ont déjà utilisé les étiquettes chiffrées, l’activité commence à la question 2.

Question 1 

Vous avez reçu un matériel avec lequel vous pouvez écrire les nombres en chiffres.

Qu’observez-vous ?

Comment écririez-vous le nombre 724 ?

Question 2

Avec les deux matériels, écrivez les nombres 100 – 120 – 516

Comparez le nombre d’étiquettes chiffrées et d’étiquettes-mots nécessaires pour écrire un même nombre.

Ce que vous observez est-il valable pour tous les nombres ?

Question 3

Inventez au moins 3 nombres différents de ceux proposés dans la question 2, où l’on doit utiliser :

1. autant d’étiquettes-mots que d’étiquettes chiffrées

2. moins d’étiquettes-mots que d’étiquettes chiffrées

3. plus d’étiquettes-mots que d’étiquettes chiffrées.

Solutions

Q1 : les élèves doivent comprendre le mécanisme de superposition des étiquettes : pour écrire 724, il faut superposer les étiquettes chiffrées 700, 20 et 4 en les alignant le long de leur extrémité droite.

Q2 : nous avons choisi des nombres qui nécessitent autant d’étiquettes-mots que d’étiquettes chiffrées pour donner l’impression d’une régularité : pour le nombre 100, une étiquette ; pour le nombre 120 deux étiquettes, pour le nombre 516, trois étiquettes.

Q3.1 : Voici un tableau de réponses partielles :

Q3.2 : pour écrire en mots les nombres de onze à seize, il ne faut qu’une étiquette alors qu’il en faut deux pour les écrire en chiffres ; pour écrire en mots les nombres de cent onze à cent seize, il ne faut que deux étiquettes alors qu’il en faut trois pour les écrire en chiffres. Pour les centaines suivantes, il n’y a plus cette différence pour les nombres se terminant par onze, douze, …, seize car il faut une étiquette-mot supplémentaire pour désigner le nombre de centaines.

Q3.3 : voici quelques exemples de nombres qui nécessitent plus d’étiquettes-mots que d’étiquettes chiffrées : 80, 200, 345, … Il y en a énormément, il est impossible de les lister.

Commentaires

Certains duos se répartissent spontanément les deux lots d’étiquettes, chacun organisant son lot. Ils imaginent ensemble un nombre qui répond à la question et chacun le construit avec ses étiquettes.

D’autres enfants n’ont plus le besoin d’utiliser les étiquettes et réalisent la tâche mentalement.

Tous sont en recherche : certains duos trouvent les cas les plus évidents, d’autres sont en recherche plus systématique.

La question Q3.1 est une reprise de la question Q2 et à ce titre, n’est pas fondamentale.

Les enfants réinvestissent les découvertes de l’activité 1 pour identifier les nombres qui répondent à la question 3. Exemples :

  • 80 nécessite deux étiquettes-mots et une seule étiquette chiffrée ;
  • 215 nécessite trois étiquettes chiffrées et 3 trois étiquettes-mots mais celles-ci ne désignent pas les  rangs comme les étiquettes chiffrées : deux mots pour indiquer les centaines et un seul mot pour indiquer à la fois les dizaines et les unités.

En conclusion, il n’y a aucune correspondance systématique entre les nombres d’étiquettes des deux sortes.

Activité 3 : Construisons des nombres avec 5 étiquettes mots

Matériel

Chaque duo sélectionne les étiquettes-mots suivantes :

quatre – cent(s) – deux – vingt(s) – sept

Question 1

En utilisant toutes ces étiquettes-mots, écrivez le plus grand nombre.

Question 2

En utilisant toutes ces étiquettes-mots, écrivez le plus petit nombre.

Prenez les 5 étiquettes chiffrées qui correspondent aux 5 étiquettes-mots sélectionnées.

Question 3

En utilisant toutes les étiquettes chiffrées, écrivez

–           d’abord le plus grand nombre.

–           et ensuite, le plus petit nombre.

Solutions

Pour utiliser toutes les étiquettes, on se rend compte qu’on est dans l’obligation de placer le quatre avec le vingt et il faut utiliser des unités pour dire combien de centaines et combien d’unités.

Q1 : sept-cent-quatre-vingt-deux

Q2 : deux-cent-quatre-vingt-sept

Q3 : impossible d’utiliser toutes les étiquettes.  Mais si on ajoute la contrainte qu’il faut une étiquette centaine, une étiquette dizaine et une seule étiquette unité, alors on obtient 127 pour le plus grand et 122 pour le plus petit.

Commentaires

Cette activité est rapidement et facilement résolue. Au tableau, pour passer de la question 1 à la question 2, l’échange des mots deux et sept est facilement réalisé : ce geste concrétise l’importance de la place des mots et des rangs.

La question 3 souligne la structure des nombres en rangs : un nombre ne peut être construit qu’en assemblant plusieurs rangs différents

Activité 4 : Et si on écrivait des nombres plus grands que 999…

Matériel

Chaque duo reçoit quelques étiquettes vierges.

Question 1

Quelles étiquettes-mots et quelles étiquettes chiffrées doit-on ajouter si l’on souhaite écrire des nombres plus grands que 999 et plus petits que 100 000 ?

Question 2

Écrivez quelques nombres plus grands que 1000 qui se construisent avec le même nombre d’étiquettes-mots que d’étiquettes chiffrées

Question 3

Prenez les étiquettes-mots suivantes.

quatre – mille – deux – vingt(s) – sept

En utilisant toutes les étiquettes-mots, écrivez :

  • d’abord le plus petit nombre ;
  • et ensuite, le plus grand nombre.

Solutions

Q1 : en mots, l’étiquette « mille » ; en chiffres, les étiquettes 1000, 2000, …, 9000 et 10 000, 20 000 … 90 000. Si les élèves souhaitent aller jusqu’à 100 000, il faudra rédiger l’étiquette chiffrée 100 000.

Q2 : quelques exemples : 1 002 (2 étiquettes) – 3 016 (3 étiquettes) – 6 116 (4 étiquettes) – 76 116 (5 étiquettes).

Q3 : le plus petit nombre : deux-mille-quatre-vingt-sept ; le plus grand nombre : quatre-vingt-sept- mille-deux.

Commentaires

Cette dernière activité n’a pas encore été testée avec un public d’enfants. Si vous avez l’occasion de la tester, n’hésitez pas à communiquer vos observations à l’adresse du sous-groupe GEM fondamental : christine.docq [at] gmail.com ou gem.fondamental [at] gmail.com 


  1. Petits symboles Montessori à imprimer – L’Atelier Montessori (atelier-montessori.com) ↩︎
  2. Respectivement, 3e et 4e années du cursus de l’école primaire, soit CE2 et CM1 en France. ↩︎