L’enseignement des mathématiques, un défi à relever

Ce texte ci-dessous est celui d’un exposé fait par Nicolas Rouche à l’Université de Liège en janvier 1992, quelques mois avant la fondation du CREM. Le texte a été publié dans la revue Mathématique & Pédagogie n°88, 1992.
La présente note[1]Exposé fait à l’Université de Liège, le 27 janvier 1992. rassemble quelques considérations concernant l’enseignement des mathématiques dans la Communauté française de Belgique. Elle est destinée à alimenter une réflexion sur ce qu’il faudrait faire pour améliorer cet enseignement.

1. Des centaines de milliers d’élèves, des dizaines de milliers d’enseignants

“L’enseignement[2]Cette citation est extraite du Projet de création d’un Centre de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques (C.R.E.M.), note polycopiée rédigée par un groupe d’enseignants, … Continue reading des mathématiques concerne, dans la Communauté française de Belgique,
– aux niveaux maternel et primaire : 482 000 élèves et environ 19 000 institutrices et instituteurs ;
– au niveau secondaire : 368 000 élèves et environ 4 600 professeurs;
– dans les enseignements supérieurs des divers types : de très nombreux étudiants et professeurs.”
Ainsi, l’enjeu social de l’enseignement des mathématiques est énorme.

2. Trois constats anciens mais inquiétants

2.1. L’analphabétisme mathématique

“On rencontre[3]Cf. R. Bkouche, B. Charlot, N. Rouche, Faire des mathématiques : le plaisir du sens, Armand Colin, Paris, 1991. partout des personnes qui ne savent rien faire en mathématiques au-delà des opérations élémentaires sur les nombres naturels (1,2,3,…). La plupart d’entre elles sont par ailleurs à l’aise dans d’autres domaines, se comportent dans la vie de manière sensée et semblent jouir d’une intelligence absolument normale, dans la mesure où l’on peut donner un sens clair au terme intelligence. Leur incapacité mathématique n’en est que plus étonnante.”

“Ces personnes doivent se faire assister dans les moindres difficultés mathématiques de la vie : pour lire une carte ou un plan à l’échelle, ou une carte météorologique, pour comprendre le livret d’usage d’un appareil, pour débrouiller leur facture d’électricité, les données d’un prêt à tempérament, pour changer d’unités, calculer une moyenne pondérée, lire un diagramme économique, comprendre des données ou une analyse statistique simples, etc.”

2.2. Les échecs en mathématiques font des dégâts

Un grand nombre d’élèves (le pourcentage exact n’importe pas beaucoup) échouent en mathématiques. Or ces élèves partagent avec les autres la conviction que les mathématiques sont très importantes, que ceux qui les comprennent sont intelligents et qu’elles ouvrent la voie à des professions intéressantes. D’où chez eux des sentiments d’incapacité personnelle, de frustration et de rejet des mathématiques. Ces sentiments contrarient la construction harmonieuse de leur personnalité.

2.3. Réussir aux examens n’est pas réussir sa formation

Parmi les personnes qui ont réussi en mathématiques selon les critères scolaires, il s’en trouve beaucoup qui n’ont presque rien retenu de ce qu’elles ont appris. Elles gardent le souvenir d’une étude ennuyeuse, dépourvue de sens, sans portée culturelle. Ainsi, avoir réussi les examens de mathématiques n’implique nullement que l’on ait réussi sa formation mathématique.

3. Quatre types d’enseignement mathématique

Pour dire les choses schématiquement, tout concept, tout théorème mathématique a un double sens. Le premier, que l’on peut appeler horizontal, lui vient de son contexte naturel, c’est-à-dire des situations et objets familiers dont il est issu et des questions auxquelles il permet de répondre. Le second, que nous appellerons vertical, lui vient de sa place et de son rôle dans la théorie déductive, c’est-à-dire dans les mathématiques constituées.

Ces appellations (horizontal et vertical) sont dues à A. Treffers[4]A. Treffers cité par H. Freudenthal, Revisiting mathematical education, Kluwer, Dordrecht, 1991. qui propose en outre de qualifier un enseignement
– de mécaniste lorsqu’il tend à négliger les deux composantes horizontale et verticale (ce qui arrive par exemple quand on inculque des routines de calcul sans faire voir les situations où elles peuvent intervenir, non plus que la théorie qui les fonde) ;
– d’empiriste lorsqu’il insiste sur l’aspect horizontal en négligeant le vertical (par exemple quand une large place est faite aux manipulations et observations sans que celles-ci conduisent à une organisation théorique ferme) ;
– de structuraliste lorsqu’il développe l’aspect vertical au détriment de l’aspect horizontal, en privilégiant la théorie axiomatique et demeurant à l’écart de ses applications significatives ;
– de réaliste lorsqu’il est attentif aux deux aspects horizontal et vertical, articulant la construction théorique sur les situations familières qui en forment les racines intuitives et sur les applications (qu’elles soient purement mathématiques ou non) qui font voir son fonctionnement et son pouvoir d’interprétation.

Aucune de ces quatre catégories ne représente fidèlement un enseignement réel, car la réalité est heureusement plus nuancée et plus complexe que cela. Mais cette classification théorique a le mérite de la clarté[5]Une telle classification est un type idéal au sens du sociologue allemand M. Weber.. Elle est comme un système de référence qui permet, à l’aide de commentaires et de correctifs, de situer les enseignements réels.

4. Des déficits de sens

On peut dire sans trahir grossièrement la réalité que les “maths modernes” ont été un enseignement principalement structuraliste (pour nuancer cette affirmation, voir l’ouvrage cité à la note 3). Dans la mesure où les programmes du primaire sont aujourd’hui encore chez nous ceux de la période “maths modernes”, ils présentent un déficit de sens horizontal.

Depuis 1980 environ, l’enseignement secondaire est sorti de la période des “maths modernes”. Mais par une réaction exagérée au structuralisme, certains estiment maintenant qu’observer et manipuler est peut-être plus important que raisonner et démontrer, ce qui les rapproche du point de vue empiriste.

La situation dans l’enseignement supérieur (universitaire ou non) est trop variable pour qu’on puisse énoncer à son sujet une quelconque opinion générale. En ce qui concerne les études de mathématiques à l’université, elles sont à notre meilleur jugement, plutôt structuralistes. Les étudiants y passent beaucoup plus de temps à étudier des théorèmes qui leurs sont donnés (ce qui n’est d’ailleurs pas une activité intellectuelle négligeable) qu’à exercer leur pensée de façon autonome sur des problèmes mettant en cause leur propre univers conceptuel et les obligeant à le reconstruire par places.

Terminons par une observation qui nous semble cruciale, concernant l’enseignement mathématique à tous les niveaux. Dans la mesure importante (et heureusement pas universelle) où cet enseignement organise les apprentissages de routines aveugles, un entraînement à l’application de règles de calcul dont on ne sait ni d’où elles viennent ni à quoi elles servent, il comporte un déficit grave de sens horizontal et vertical.

N.B. Qu’on nous entende bien : il est indéniable que certaines phases de la réflexion mathématique s’appuient sur des calculs routiniers. L’esprit serait paralysé s’il fallait, chaque fois qu’un calcul s’avère nécessaire, en rejustifier tous les pas. Ce qui est mis en question ci-dessus, c’est l’apprentissage d’un calcul qui n’est mis en service d’aucune pensée.

Nous pouvons donc conclure : l’enseignement mathématique souffre trop souvent d’un déficit de sens. Déficit du côté horizontal lorsqu’il se concentre sur la théorie formelle, du côté vertical lorsqu’il fait la part trop belle à ce qu’on appelle parfois “le bricolage”, et déficit dans les deux directions lorsqu’il s’attarde indûment sur “le drill”.

5. Six défis

L’enseignement des mathématiques devrait, dans les années qui viennent, relever plusieurs défis. Les deux premiers ne sont d’ailleurs pas propres aux mathématiques.

5.1. De nouvelles populations scolaires

D’abord il faut prendre mieux en compte les populations nouvelles arrivées dans les enseignements secondaire et supérieur au cours des deux ou trois dernières décennies. Une grande masse d’élèves d’origine sociale modeste, et parmi eux beaucoup d’enfants d’immigrés, sont moins adaptés que ceux d’origine plus favorisée à la culture scolaire de tradition humaniste. Ils éprouvent des difficultés à manier le français comme langue de culture, orale et surtout écrite. Ces élèves sont plus que les autres sensibles au déficit de sens lorsqu’ils le rencontrent dans les cours de mathématiques, car ils ne peuvent guère compter sur le soutien de leur famille : leurs parents, et plus généralement les adultes qu’ils fréquentent n’ont aucune expérience personnelle des difficultés qu’ils éprouvent. Ils n’ont pas non plus les moyens de leur payer des leçons particulières.

5.2. De nouvelles conditions de vie

Les conditions de vie d’aujourd’hui, bien différentes de celles de naguère, ont changé le rapport des élèves à l’école et au savoir scolaire, et contraignent ceux-ci à s’adapter. Il est impossible d’approfondir ici cette vaste question. Contentons-nous de mentionner, parmi les facteurs de changement, l’évolution rapide des valeurs, les sollicitations incessantes des média et une certaine croissance de l’instabilité familiale.

5.3. Les mathématiques changent

Voici un autre défi qui regarde cette fois proprement les mathématiques. Il est vrai qu’aujourd’hui comme toujours la pensée mathématique est faite de problèmes, de conjectures, qu’elle s’appuie sur l’intuition et l’imagination et qu’elle débouche sur des raisonnements déductifs[6]On trouvera une brève analyse de ce que sont les mathématiques et l’activité mathématique dans Perspectives sur l’enseignement des mathématiques dans la Communauté française de … Continue reading. Mais le XXe siècle a, dans cette pensée, donné un rôle clé aux structures axiomatiques à la fois comme instruments de recherche et mode d’expression.

L’enseignement doit s’adapter à cette évolution et les réformateurs de l’époque des “maths modernes” ont d’ailleurs posé clairement la question de cette nécessaire mise à jour. Le fait qu’ils n’ont pas trouvé vraiment de réponse satisfaisante montre sans doute combien le problème est difficile. Celui-ci demeure dans une large mesure ouvert aujourd’hui. Et la solution ne consiste à coup sûr pas à rejeter des enseignements secondaire et supérieur toute prise en compte des structures axiomatiques.

5.4. Préparer les citoyens à leurs tâches de demain

Les robots et les ordinateurs ayant vocation d’exécuter la plupart des tâches routinières, l’école a pour mission de préparer autant que possible la population à assumer les tâches non routinières qui demeureront le propre de l’homme.

En outre, l’exercice de la démocratie dans un état et une économie gérés de plus en plus techniquement exige que les citoyens soient suffisamment formés pour n’être pas à la merci des experts.

5.5. Former des scientifiques de haut niveau

Former des scientifiques de haut niveau est une responsabilité traditionnelle de l’école. Celle-ci doit continuer à l’assumer, particulièrement à une époque comme la nôtre où les activités de recherche se multiplient et se diversifient constamment. Elle doit en particulier préparer en nombre suffisant des gens capables non seulement de maîtriser les technologies nouvelles issues de l’informatique, mais encore de contribuer à leur développement.

5.6. Assumer la relève des enseignants (de mathématiques)

Enfin le système scolaire doit assurer la relève d’un corps enseignant de qualité. A défaut, aucun des défis mentionnés jusqu’ici ne pourra être rencontré. On sait qu’actuellement le recrutement des futurs enseignants de mathématiques accuse un déficit inquiétant.

6. Un besoin de réflexion globale sur l’éducation mathématique

Nous avons jusqu’ici identifié des difficultés, des dysfonctionnements, des défis. Que faire pour en venir à bout, si tant est que ce soit possible, ou au moins pour avancer dans de bonnes directions ?

Pour dégager progressivement et prudemment les directions à prendre, il faudrait instaurer une réflexion permanente et globale sur l’éducation mathématique. Une réflexion globale parce que cette éducation forme un tout depuis le moment où le bébé saisit les premières relations spatiales, les ajustements des choses et des grandeurs les unes aux autres, jusqu’à celui où l’adolescent et l’adulte se battent avec les concepts de limite et d’espace vectoriel en passant par les années où l’enfant assimile les éléments de la géométrie et de l’algèbre. Tout se tient dans cette longue maturation, chaque chose s’enracinant et puisant son sens dans le terrain que constituent les précédentes.

Ce qui est en cause, soulignons-le, est bien l’éducation mathématique, d’ailleurs étroitement et nécessairement liée au développement de la langue maternelle ainsi qu’aux questions posées par l’environnement quotidien et le monde physique. Certes, on ne peut nier l’importance des recherches de pédagogie générale portant sur des sujets tels que les objectifs, la docimologie, le groupe-classe, etc. Mais ce dont nous parlons ici, c’est bien de la matière elle-même, en l’occurrence les mathématiques. Et la matière est importante, car après tout c’est elle qu’on enseigne, c’est elle dont on s’occupe presque tout le temps dans les classes, et si tant d’élèves échouent aux examens, c’est d’abord parce qu’ils s’empêtrent dans les fractions, les équations ou les intégrales.

7. Les commissions de programme

Diverses commissions de programme existent et remplissent de leur mieux leur nécessaire mission. Mais elles ne sont pas des organismes de recherche. Elles se réunissent périodiquement pour mettre au point, après discussion, des listes de matières et des instructions méthodologiques. Mais l’institution scolaire ne leur donne ni la disponibilité, ni les moyens nécessaires pour faire de longues recherches.

Les commissions de programme sont d’autant moins à même de mener une réflexion globale sur l’éducation mathématique que, mis à part quelques ajustements récents, elles fonctionnent sans coordination systématique entre les niveaux primaire et secondaire. La lecture des textes confirme d’ailleurs le défaut d’harmonisation : alors que, depuis une douzaine d’années, les programmes du secondaire ont été profondément changés pour prendre en compte les critiques faites aux “mathématiques modernes”, ceux du primaire n’ont absolument pas évolué à cet égard. L’hiatus saute aux yeux, et le morcellement par niveaux de l’institution scolaire a empêché jusqu’à présent d’y porter remède.

Quant à l’harmonisation si souhaitable des enseignements de mathématiques aux niveaux secondaire et supérieur, elle fait l’objet de concertations sporadiques qui n’ont l’air d’avoir satisfait ni les uns ni les autres. Qui plus est, c’est par l’examen d’admission aux études d’ingénieur que les universités influencent le plus le secondaire. Mais on peut douter qu’une réflexion profonde sur l’éducation mathématique soit possible dans la perspective d’un examen où règne le bachotage.

8. La formation des maîtres

On pourrait espérer que le lieu où sont formés les maîtres du primaire et du secondaire (écoles normales et services d’agrégation des universités) soient des foyers de recherche sur les problèmes d’éducation mathématique. Et ils le sont en effet dans la mesure de leurs moyens. Mais ici encore le morcellement institutionnel empêche et la création d’équipes dépassant la taille critique, et le développement de conceptions globales, envisageant la formation comme un tout de la petite enfance à l’âge adulte. En effet, les maîtres du primaire, du secondaire inférieur et du secondaire supérieur sont formés dans trois filières étanches : deux frontières horizontales entravent la communication.

Ainsi l’école de la deuxième moitié du XXe siècle a fait tous les efforts de rénovation que l’on connaît pour offrir à chaque citoyen un parcours scolaire harmonieux de l’école maternelle à l’enseignement supérieur. Mais elle a hérité du passé, au niveau des programmes et de la formation des maîtres, un système tronçonné qui l’empêche de se penser comme elle a vraiment cherché à le faire.

9. La recherche telle qu’elle existe

Curieusement et malheureusement, un morcellement analogue se retrouve dans les recherches universitaires.

A peu de choses près, toutes les recherches sur l’apprentissage mathématique aux niveaux maternel et primaire se font dans les facultés de psycho-pédagogie. Il est encore relativement rare que des mathématiciens y soient associés, alors pourtant que les mathématiques des débutants, tout “enfantines” qu’elles soient, s’enracinent profondément dans des problèmes de fondement non triviaux[7]Seuls des exemples peuvent établir le bien fondé de cette affirmation. On en trouvera dans N. Rouche, Le sens de la mesure, des grandeurs aux nombres rationnels, Didier-Hatier. Bruxelles, à … Continue reading.

La plupart des recherches sur l’apprentissage des mathématiques au niveau secondaire se font dans les départements de mathématiques, et il est exceptionnel qu’elles prennent en compte ce qui se fait ou pourrait se faire au niveau primaire.

Quant aux réflexions sur l’apprentissage des mathématiques dans l’enseignement supérieur, universitaire ou non, elles sont habituellement le fait de professeurs isolés pensant ou repensant leur propre enseignement et dont la plupart ne voient le secondaire que de loin.

10. De nouvelles études et recherches

Que faire pratiquement pour surmonter tant de difficultés et de malentendus ? Certains diront : il faut organiser davantage de concertation. Et sans doute des concertations peuvent aider à régler pas mal de choses. Mais suffiraient-elles à faire mûrir une pensée commune sur ce qui est en cause : la nature des mathématiques et les modalités de leur développement dans chaque esprit de la naissance à l’âge adulte ? Suffiraient-elles à faire naître des projets réalistes ? N’avons nous pas besoin, en fait, de bien plus que de concertations ?

Certains[8]Cf. le rapport “Danblon” mentionné à la note 6 et le projet mentionné à la note 2. ont pensé à un centre de recherche qui rassemblerait des personnes compétentes de tous les niveaux d’enseignement du maternel au supérieur, et qui aurait pour mission d’étudier l’apprentissage des mathématiques dans son contexte interdisciplinaire naturel, de produire et expérimenter des matériaux pour enseigner, d’ajuster chaque enseignement à ceux qui le précèdent et à ceux qui le suivent, de prendre en compte toutes les composantes du problème sans en excepter la difficile question du contrôle des connaissances.

Soulignons cette chose essentielle : la collaboration dans un tel centre de chercheurs provenant de tous les niveaux d’enseignement. Beaucoup d’entre eux, détachés à temps plein ou partiel de leurs tâches habituelles d’éducateurs, ne seraient pas des chercheurs au sens universitaire habituel. Ils n’auraient pas acquis une compétence scientifique par les canaux académiques ordinaires. Ils représenteraient dans la recherche davantage un savoir, un jugement, une expérience qu’une science. Mais il faut reconnaître que leur compétence est indispensable. En particulier laisser aux seuls mathématiciens professionnels le soin de dire comment il faut enseigner les mathématiques élémentaires, c’est courir au devant de nombreuses difficultés, celles-là même que les penseurs de la réforme des maths modernes n’ont pas évitées (en dépit de leur compétence mathématique incontestée).

Par ailleurs, et de manière entièrement symétrique, se passer dans la conception de l’enseignement de la collaboration de mathématiciens professionnels, c’est courir au devant d’un autre danger, celui de voir les matières enseignées se rétrécir, rompre leurs attaches significatives tant du côté des fondements que de la construction globale des mathématiques.

Est-ce un luxe que de doter notre Communauté Française d’un instrument de réflexion sur l’enseignement des mathématiques ? Les pays voisins du nôtre ont créé depuis longtemps des centres de recherche pour étudier ces problèmes : les I.R.E.M. (Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques) en France, le Freudenthal Institute à Utrecht, l’Institut für Didaktik der Mathematik de Dortmund et l’institut analogue de Bielefeld, etc.
Pourquoi tarder à nous doter des moyens de relever les défis qui nous attendent…ou plutôt qui pèsent sur nous sans attendre ? Est-ce que la qualité de l’enseignement, dont tout le monde se préoccupe aujourd’hui, ne tient pas aussi à cela ?

Notes

Notes
1 Exposé fait à l’Université de Liège, le 27 janvier 1992.
2 Cette citation est extraite du Projet de création d’un Centre de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques (C.R.E.M.), note polycopiée rédigée par un groupe d’enseignants, 8 pages, 1991.
3 Cf. R. Bkouche, B. Charlot, N. Rouche, Faire des mathématiques : le plaisir du sens, Armand Colin, Paris, 1991.
4 A. Treffers cité par H. Freudenthal, Revisiting mathematical education, Kluwer, Dordrecht, 1991.
5 Une telle classification est un type idéal au sens du sociologue allemand M. Weber.
6 On trouvera une brève analyse de ce que sont les mathématiques et l’activité mathématique dans Perspectives sur l’enseignement des mathématiques dans la Communauté française de Belgique, rapport remis le 7 juin 1990 à Monsieur le Ministre Y. Ylieff par la Commission scientifique d’Etude de l’Enseignement des Mathématiques et des Sciences (cette commission est plus comme sous le nom de Commission “Danblon”).
7 Seuls des exemples peuvent établir le bien fondé de cette affirmation. On en trouvera dans N. Rouche, Le sens de la mesure, des grandeurs aux nombres rationnels, Didier-Hatier. Bruxelles, à paraître.
8 Cf. le rapport “Danblon” mentionné à la note 6 et le projet mentionné à la note 2.