Les représentations planes comme un fil conducteur pour l’enseignement de la géométrie

Les représentations planes de solides constituent un contexte intéressant pour l’enseignement de la géométrie, d’un bout à l’autre de la scolarité.
Afin d’illustrer ce point de vue, nous avons sélectionné quelques activités de représentations planes d’objets de l’espace qui peuvent jalonner l’enseignement à différents âges de la scolarité.
Bien que l’on puisse imaginer représenter des objets aux formes les plus libres, notre présentation est globalement centrée sur des objets du plan ou de l’espace tels que des carrés, rectangles, assemblages et pavages de carrés, parallélépipèdes, cubes et assemblages de cubes, …
Certaines activités ont été vécues en classe, d’autres ne sont que des propositions d’activités, qui doivent encore être expérimentées. En ce sens, la présente contribution est davantage un témoignage qu’un ensemble de résultats définitifs.
Les auteurs remercient les membres du GEM qui ont pris part à cette réflexion ainsi que ceux qui ont expérimenté des activités dans leurs classes : Micheline Citta, Lucie De Laet, Martine de Terwangne, Alain Desmarets, John Dossin, Stéphane Lambert, Sophie Loriaux, Monique Meuret, Bruno Taquet, Jean-Pascal Bodart.

1. Dessins d’enfants

La réflexion menée au GEM à propos de dessins d’enfants a permis de mieux cerner quelles compétences sont mobilisées, et quelles difficultés sont rencontrées par les enfants dans certaines activités de dessin. Ces activités ont été réalisées dans plusieurs classes de divers niveaux : troisième maternelle, première, troisième et cinquième primaires (enfants âgés d’environ 5, 6, 8 et 10 ans).

1.1. Dessiner une table

Dans toutes les classes, on a donné la consigne : « Dessine une table avec une assiette ». Dès que les réalisations ont été rassemblées, une question de méthode s’est imposée : comment rendre compte des dessins d’enfants ?

Notre premier réflexe a été de repérer ceux qui correspondaient à ce que nous aurions nous-mêmes dessiné, en fait en perspective cavalière. Mais nous avons découvert des dessins très différents, manifestant des connaissances, une réflexion et une cohérence qu’il nous fallait tenter d’analyser. Nous proposons ci-après trois compétences qui peuvent servir à rendre compte des résultats : conceptualiser un objet, choisir un point de vue et respecter un code.

Conceptualiser l’objet. Dessiner une table quand on n’en a pas sous les yeux, c’est dessiner un concept. Il est encore différent de dessiner une table que l’on voit, ou de dessiner une table donnée d’un point de vue donné. Remarquons que, dans tous les cas, le dessinateur est obligé de conceptualiser pour dessiner.

Qu’est-ce qu’un concept de table ? C’est un concept qui intègre et schématise dans l’esprit de chacun toutes les tables qu’il a vues, de tous les points de vue possibles et avec tous les usages. Il en résulte l’idée de quelques parties possédant chacune une forme définie et articulées les unes aux autres d’une certaine façon. Dans chaque dessin, on trouve quelques-unes des propriétés suivantes (mais jamais toutes…) :
– une table possède un plateau, souvent rectangulaire,
– ce plateau est horizontal,
– une table a en général quatre pieds,
– ces pieds sont articulés aux quatre coins du plateau,
– ils sont verticaux, parallèles entre eux et perpendiculaires au plateau,
– ils sont de même longueur,
– ils sont orientés vers le bas à partir du plateau
– et ils descendent jusqu’au même niveau, celui du sol.

Les figures ci-dessous montrent quelques dessins typiques.

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Fig. 1 – Quentin, 1e primaire

La figure 1 montre un plateau rectangulaire avec quatre pieds articulés aux quatre coins du plateau et à peu près d’égales longueurs. Les pieds sont perpendiculaires à un bord du plateau.

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Fig. 2 – Joana, 5e primaire

À la figure 2 par contre, les quatre pieds sont orientés vers le bas ; montrer les quatre pieds ne permet pas de les dessiner parallèles.

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Fig. 3 – Nicolas, 3e maternelle

La figure 3 montre un plateau rectangulaire avec quatre pieds verticaux, orientés vers le bas et descendant jusqu’à un même niveau ; ces choix empêchent d’articuler les pieds aux quatre coins.
On le voit, le fait de passer de trois à deux dimensions oblige à ne conserver qu’une partie des propriétés, et l’on imagine bien que le choix est parfois difficile.

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Fig. 4 – Julien, 5e primaire

La figure 4 montre que certains enfants parviennent à respecter à peu près toutes les propiétés, grâce au choix de dessiner un plateau transparent !

Nous pointons ainsi un premier intérêt pédagogique du dessin, ainsi qu’une première difficulté. Proposer une telle activité à un enfant l’amène à conceptualiser, mais le met aussi devant un choix difficile : quelles propriétés conserver ?

Choisir un point de vue. Dessiner implique généralement de choisir un point de vue. Mais choisir un point de vue, c’est souvent être contraint de déformer la réalité, ici de faire fi de certaines caractéristiques d’une table et de ne pas tout dessiner. De nombreux dessins d’enfants montrent un tel choix.

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Fig. 5 – Céline, 3e primaire

Ainsi, à la figure 5, la table est vue de bout, ce qui implique que les pieds de derrière sont cachés.

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Fig. 6 – Wacil, 5e primaire

À la figure 6, la vue de bout pour le plateau est combinée à un effet de perspective pour les pieds (les pieds de derrière sont dessinés plus courts que ceux de devant).

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Fig. 7 – Joshua, 5e primaire

Enfin la figure 7 montre la table vue du dessus, ce qui ne montre pas grand chose de ses pieds…

D’autres dessins encore s’apparentent plutôt à une vue de la table en perspective à point de fuite, pour le plateau seulement ou pour l’ensemble de la table…

Une deuxième difficulté du dessin est donc de choisir un point de vue et de renoncer à certaines propriétés de l’objet.

Respecter un code. Des dessins d’enfants révèlent déjà le respect de certaines règles de représentation. Certains élèves dessinent spontanément et sans défaut en perspective cavalière (figure 8).

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Fig. 8 – Lætitia, 5e primaire
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Fig. 9 – Valérie, 5e primaire

D’autres le font approximativement (figure 9).

Mais cela suffit à montrer que la perspective cavalière est dans l’air : ces élèves l’ont déjà rencontrée et tentent de s’y conformer. Le code qu’ils s’imposent consiste en deux règles au plus :
– respecter le parallélisme des segments apparents,
– respecter l’égalité des longueurs de segments parallèles, éventuellement alignés.

Respecter ce code demande de repérer les parallélismes utiles, de repérer les égalités de longueurs utiles, de choisir un point de vue, de réaliser qu’il ne faut pas respecter plus de propriétés que nécessaire. Par exemple, les angles droits ne doivent généralement pas être dessinés droits.

Ainsi, respecter un code implique de repérer certaines propriétés de l’objet et c’est là aussi un intérêt pédagogique du dessin.

Qui plus est, il faut s’en tenir à un code et un point de vue, et ne pas en changer en cours de route. Certains dessins mélangent perspective cavalière et perpective à point de fuite, ou montrent un changement de point de vue entre le plateau et les pieds.

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Fig. 10 – Selim, 5e primaire

Un dessinateur entraîné s’aide de la perception de la forme globale qu’il a de l’objet. Dans le cas de la table rectangulaire, l’enveloppe de l’objet est en gros un parallélipipède rectangle. Sachant cela, on comprend que, le plateau étant dessiné en forme de parallélogramme, les bases des quatre pieds occupent aussi sur le dessin les sommets d’un parallélogramme (non dessiné), isométrique au premier et situé sous lui. Pour se rendre compte de cela, il suffit d’imaginer une corde entourant les quatre pieds à la base. La figure 10 montre un dessin où cette exigence de concevoir deux parallélogrammes translatés l’un de l’autre n’est pas respectée. Sans doute le besoin de dessiner quatre pieds est-il plus fort que celui de respecter les longueurs ou le parallélisme.

1.2. Achever le dessin d’une table

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Fig. 11

Dans une classe de cinquième primaire (11 ans), l’institutrice a poursuivi l’expérience en imposant implicitement un point de vue et un code. Elle a distribué aux enfants un dessin de table inachevé (figure 11) : un plateau de table rectangulaire dessiné en perspective cavalière sur du papier quadrillé. Au bas de ce dessin figure la consigne « Dessine les quatre pieds de la table ».

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Fig. 12

Le quadrillage joue un rôle d’incitant et de guide pour compléter le dessin selon le code de la perspective cavalière. En perspective cavalière, les propriétés suivantes doivent être respectées :
– raccord du haut des pieds aux quatre coins du plateau,
– alignement de certains segments en position frontale, comme AB et CD sur la figure 12, et parallélisme de ces segments au bord frontal HI de la table,
– alignement des dessins de certains segments en position latérale, comme EF et GA sur la figure 12, et parallélisme de ces segments au bord latéral JH de la table,
– égalité des longueurs des pieds.

Avec cette consigne, nous voulions voir, d’une part dans quelle mesure les élèves connaissent et respectent ce code, et d’autre part quelles propriétés de l’objet ils respectent. Rappelons que ces élèves n’ont reçu aucune instruction particulière sur les représentations planes d’objets de l’espace.

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Fig. 13 – Billy, 5e primaire

Un seul dessin sur seize a été réalisé selon les règles, et c’est le seul comportant un pied caché (figure 13).

Qu’ont fait les enfants et que repère-t-on comme types d’erreurs ? Ils sont généralement partis des coins du plateau pour tenter d’y raccorder les quatre pieds. Quant aux erreurs, elles correspondent selon les cas à des problèmes de raccord de certains pieds au plateau, à des problèmes de longueur de pieds (11 élèves sur 16 n’ont pas respecté l’égalité des longueurs des pieds), ou encore de perte de l’alignement de segments disposés en position frontale ou en position latérale.

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Fig. 14 – Duygu, 5e primaire

En ce qui concerne les alignements mentionnés ci-dessus, notons que la plupart des enfants ont respecté l’alignement des segments en position frontale (13 dessins sur 16) et pas l’alignement en position latérale (12 sur 16).

On trouve, à la figure 14, un problème de raccord du pied avant gauche au plateau. Et comme l’enfant s’est arrangé pour que les pieds au sol s’inscrivent dans un parallélogramme parallèle au plateau, ce problème se répercute en un problème de longueurs des pieds et un problème de raccord du pied arrière droit au plateau..

2. Vues coordonnées d’un objet appelé “module de paix”

Dans l’activité de représentation de tables, les enfants dessinent spontanément. On pourrait dire que les projections y sont implicitement présentes au sens où cette activité est en attente d’une théorisation qui s’appuie sur les projections. Mais les enfants n’y voient pas des projections, ils ignorent d’ailleurs ce que c’est : ils voient des tables, perçoivent sans doute un code.
Dans la deuxième activité que nous décrivons maintenant et qui s’adresse à des élèves du début du secondaire, le lecteur reconnaîtra les projections orthogonales, bien qu’elles ne sont pas abordées comme des transformations. Elles sont ici abordées de manière informelle et sont appelées vues.

1. Vous recevez un module de paix. Posez-le sur une table en l’orientant comme suggéré sur la figure ci-contre et représentez-le au moyen des trois vues orthogonales coordonnées : de haut, de face et de gauche.

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2. Sur la figure ci-dessus, certains sommets du module de paix sont désignés par les lettres A, B, C, D, E, F, G, H, I et J. Indiquez ces sommets sur chacune des vues de face, de gauche et de haut que vous avez réalisées en 1.
a) Sachant que la distance entre A et B vaut 1, quelles sont dans la réalité les distances suivantes : d(C, D), d(E, D), d(E, F), d(E, G), d(F, G), d(B, C), d(G, H), d(I, H), d(I, J) ?
b) Retrouvez-vous ces distances en les mesurant sur les vues de haut, de face et de gauche ?

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Fig. 15

Avec cette activité, les élèves peuvent prendre conscience de l’intérêt du mode de représentation en trois vues coordonnées. Il fournit (figure 15) un dessin en vraie grandeur de parties bien disposées de l’objet : la face du dessus sur la vue de haut, celle de gauche sur la vue de gauche et celle de face sur la vue de face. Il est fréquemment utilisé dans la vie quotidienne, par exemple dans des domaines techniques. Il se réfère aux directions privilégiées que sont la verticale et l’horizontale. On peut le voir comme une première étape vers les projections parallèles. Une difficulté pour décoder ce mode de représentation tient à ce qu’il faut coordonner les trois vues.

Les enfants sont aussi amenés à réaliser que la représentation sur une des vues coordonnées fait perdre de l’information par rapport à la réalité : ainsi par exemple, un unique et même point représente sur la vue de face, les deux sommets distincts I et J de la réalité. Enfin, ils réalisent aussi que si dans certains cas (pour des parties privilégiées de l’objet), ce mode de représentation fournit une image en vraie grandeur, dans les autres cas, il raccourcit ou annule les distances. Ainsi par exemple,
– la distance entre A et B, qui vaut 1 dans la réalité, est conservée sur la vue de haut et sur celle de face et vaut 0 sur la vue de gauche,
– la distance entre B et C, qui vaut \sqrt2 dans dans la réalité, est conservée sur la vue de haut et est réduite à 1 sur les vues de face et de gauche.

Enfin, la question relative aux distances sollicite des connaissances de géométrie plane, comme le théorème de Pythagore.

Notons au passage que la lecture de la question 1 passe par celle d’un dessin du module en perspective cavalière : même si la plupart des élèves n’en connaissent pas encore les règles, décoder un tel dessin ne leur pose pas de problème.

3. Ombres, au soleil et à la lampe, d’échelles et de quadrillages

Pour permettre à des élèves du début du secondaire de prendre conscience des différences entre perspective cavalière et perspective à point de fuite, nous leur proposons dans un premier temps d’observer des ombres pour qu’ils puissent acquérir un support intuitif aux propriétés géométriques sous-jacentes.

Les objets que nous proposons sont des objets plans (échelles miniatures à montants parallèles et quadrillages) qui faciliteront la découverte des invariants fondamentaux de ces perspectives.

Les élèves reçoivent une échelle miniature à montants parallèles et les consignes suivantes.

1. Imaginez et dessinez une ombre possible, sur une surface plane, de cette échelle a) placée au soleil ;
b) placée devant une lampe ponctuelle.
Si nécessaire, réalisez concrètement l’expérience. [1]Une lampe ponctuelle et, au cas où le soleil est caché, une lampe à faisceaux parallèles sont disponibles en classe.

2. Voici quelques dessins :
Quels sont ceux qui peuvent être une ombre de l’échelle placée au soleil ?
Quels sont ceux qui peuvent être une ombre de l’échelle placée devant une lampe ponctuelle ?

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3. Imaginez et dessinez des ombres possibles d’un quadrillage
a) placé au soleil ;
b) placé devant une lampe ponctuelle.  

3.1. Imaginer des ombres d’échelles

Cette question très ouverte doit amener les élèves à s’interroger sur les caractéristiques principales de ces deux types d’ombre. Ils pourront ainsi avoir une première grille de lecture des dessins qui leur sont présentés dans la deuxième question.

3.2. Ombres d’échelles possibles ou impossibles

3.2.1. Ombres au soleil

L’observation de l’échelle et de son ombre semble indiquer que l’ombre au soleil conserve les alignements, le parallélisme des droites dans toutes les directions et les rapports de longueurs sur une droite ou sur des droites parallèles. Elle ne conserve généralement pas les longueurs, ni les angles.

Le débat en classe débouche sur l’explication suivante : le soleil est tellement loin de la planète terre que les rayons parvenant sur la terre sont quasi parallèles ; on peut donc modéliser le phénomène des ombres au soleil sur une surface plane par le concept mathématique de projection parallèle sur un plan, au phénomène de pénombre près.

On aboutit à la définition suivante de projection parallèle, pour un plan pi et une droite d non parallèle à pi :

La projection parallèle à la droite d sur le plan \pi est la transformation qui envoie un point P de l’espace sur le point de percée dans le plan \pi de la droite menée par P parallèlement à d.

Cette droite parallèle à d est appelée rayon projetant. Les points du plan \pi sont leur propre image.

Nous abordons les propriétés des projections parallèles en exploitant le lien étroit entre les représentations planes et la géométrie de l’espace. En effet, on justifie par des propriétés de géométrie synthétique de l’espace et du plan les propriétés suivantes des projections parallèles :

  • conservation de l’incidence et de l’alignement,
  • conservation du parallélisme,
  • conservation des rapports de longueurs sur une droite ou sur des droites parallèles,
  • l’image d’un rectangle est un parallélogramme,
  • l’image d’une figure située dans un plan parallèle au plan de projection est isométrique à la figure,
  • l’image d’une figure située dans un plan parallèle aux rayons projetants est réduite à un segment.

Ces mises au point sur l’ombre au soleil, sur sa modélisation sous forme de projection parallèle et sur les propriétés d’une telle projection, permettent de revenir à la question concernant les formes possibles de l’ombre de l’échelle .

Nous interprétons désormais cette ombre comme l’image d’une échelle idéalisée [2]Il s’agit d’une figure plane, correspondant à une échelle à montants parallèles de même longueur, et aux échelons perpendiculaires aux montants et régulièrement disposés (les … Continue reading par une projection parallèle.
Elle peut être

  • un segment,
  • une échelle [3]Dans la suite de ce texte, nous commettons l’abus de langage qui consiste à utiliser échelle, montants, échelons, espaces inter-échelons, etc. au lieu de image de l’échelle, images … Continue reading isométrique à l’échelle de départ,
  • une échelle dont les montants sont de même longueur et parallèles entre eux, les échelons sont parallèles entre eux mais pas nécessairement perpendiculaires aux montants et les espaces inter-échelons sont en forme de parallélogrammes isométriques.

Ainsi, les dessins nos 3, 6, 5 et 7 montrés à la figure 16 sont acceptés.

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Fig. 15

Enfin, le lien entre les projections parallèles et les représentations planes est mis en évidence. À ce stade, on peut nommer la représentation plane associée à une projection parallèle : il s’agit d’une perspective cavalière (axonométrique suivant les dessins technologiques).

Quant aux projections orthogonales rencontrées dans l’activité précédente (les trois vues coordonnées), elles sont reconnues comme des cas particuliers de projections parallèles : les rayons projetants sont perpendiculaires au plan de projection.

3.2.2. Ombres à la lampe

L’observation de l’échelle et de son ombre semble indiquer que l’ombre à la lampe ponctuelle conserve les alignements, le parallélisme des droites parallèles au plan de l’ombre et les rapports de longueurs sur ces droites, mais ne conserve pas le parallélisme et les rapports de longueurs pour les autres droites.

À nouveau, la travail en classe débouche sur une modélisation : l’ombre portée par une lampe ponctuelle sur un plan est modélisée par une projection centrale de l’espace sur un plan.

La projection centrale est définie comme suit, pour un plan \pi donné et un point C n’appartenant pas à ce plan :

La projection centrale de centre C sur le plan \pi est la transformation qui envoie un point P de l’espace (n’appartenant pas au plan parallèle à \pi passant par C) sur le point de percée dans le plan \pi de la droite déterminée par les points P et C.

Cette droite est appelée rayon projetant. Les points de \pi sont leur propre image et aucun point du plan contenant C et parallèle à \pi n’a d’image.

On relève ensuite les premières propriétés des projections centrales :

  • conservation de l’alignement,
  • l’image d’une figure située dans un plan [4]On considère que la figure ne se trouve pas dans le plan parallèle au plan de projection passant par C. parallèle au plan de projection est homothétique à la figure,
  • les images de deux droites parallèles entre elles [5]On considère qu’aucune des deux droites ne passe par C. mais non parallèles au plan de projection sont deux droites concourant en un point appelé point de fuite (figure 17).

On les justifie par des propriétés de géométrie synthétique de l’espace et du plan.

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Fig.17

Avant de pouvoir déterminer quels dessins sont des ombres à la lampe de l’échelle, il nous a semblé intéressant d’étudier d’abord les ombres de quadrillages.

3.3. Ombres de quadrillages

On observe d’abord qu’un quadrillage peut être interprété comme une juxtaposition de plusieurs échelles isométriques dont les espace inter-échelons sont cette fois des carrés. Donc, toutes les propriétés mentionnées pour les ombres des échelles sont d’application.

Ainsi, l’ombre au soleil la plus générale d’un quadrillage est un « parallélogrammage », c’est-à-dire un pavage du plan fait de parallélogrammes isométriques dont les sommets sont réunis aux nœuds du pavage.

L’ombre à la lampe ponctuelle d’un quadrillage présente, suivant sa position par rapport au plan de projection, des parallèles et/ou des points de fuite (figure 18).

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Fig. 18

Avec un quadrillage, on est en présence de quatre familles de droites parallèles : les deux familles de parallèles dont les directions sont celles des côtés du quadrillage et les deux familles de diagonales. Pour chacune de ces familles, lorsque les droites ne sont pas parallèles au plan de projection, les images doivent converger en un point de fuite. Dès lors, lorsque le quadrillage n’est pas parallèle au plan de projection, l’ombre présente trois ou quatre points de fuite (trois lorsque les droites d’une famille sont parallèles au plan de projection et quatre sinon). Ces points de fuite doivent être alignés car ils appartiennent à la droite d’intersection du plan de projection avec le plan passant par le centre de projection et parallèle au plan du quadrillage.

3.4. Retour aux ombres d’échelles

On déduit de ce qui précède que certains dessins doivent être rejetés comme ombre possible d’échelle, même si les montants convergent et les échelons convergent : c’est le cas du dessin n° 8 complété à la figure 19 qui montre une famille de diagonales ne convergeant pas vers un point.

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Fig. 19

Ces observations permettent enfin de conclure à propos des ombres possibles sur une surface plane, d’une échelle idéalisée exposée à la lampe ponctuelle. Cette ombre, que nous interprétons désormais comme une image par une projection centrale peut être

  • un segment,
  • une échelle agrandie, semblable à l’échelle de départ,
  • une échelle dont les échelons sont parallèles et de longueurs différentes, et dont les montants et les deux familles des diagonales des espaces inter-échelons convergent respectivement en trois points alignés,
  • une échelle dont les montants sont parallèles et de longueurs différentes et dont les échelons et les deux familles de diagonales des espaces inter-échelons convergent respectivement en trois points alignés,
  • une échelle dont les montants, les échelons et une des familles de diagonales des espaces inter-échelons convergent respectivement en trois points alignés,
  • une échelle dont les montants, les échelons et les deux familles de diagonales des espaces inter-échelons convergent respectivement en quatre points alignés.

Les dessins nos 2 et 10, repris à la figure 20, sont ainsi acceptés. Le no 10 a la particularité d’avoir l’image d’un échelon parallèle à celle d’un montant ; c’est dû à la présence du point d’intersection de l’échelon et du montant dans le plan parallèle au plan de projection et passant par le centre de projection.

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Fig. 20

Le lien entre les projections centrales et les représentations planes est mis en évidence. A ce stade, on peut nommer la représentation plane associée à une projection centrale : il s’agit d’une perspective à point de fuite.

Au travers de ces activités, ombres d’échelles et de quadrillages, les élèves ont pu tisser des liens entre le contexte des ombres, le domaine mathématique des transformations spatiales que sont les projections parallèles et les projections centrales, et le contexte des représentations planes, en particulier les perspectives dites respectivement cavalières et à point de fuite.

4. Représentation d’une boite cubique quadrillée intérieurement.

La figure 21 est la photo d’une boîte cubique sans couvercle.

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Fig. 21

Représentez, en perspective cavalière, cette boîte placée dans la même position que sur la photo. Ensuite représentez un quadrillage 8 sur 8 sur les faces intérieures de la boîte. Faites le même travail en perspective centrale.  

4.1. Résolution en perspective cavalière

La figure 22a montre une représentation en perspective cavalière de cette boîte placée avec le fond parallèle au plan de projection. Afin d’y voir des faces intérieures dans leur entiereté, on choisit de ne représenter que trois faces de la boîte, comme à la figure 22b : la face du fond y apparaît en vraie grandeur, et les deux autres faces, perpendiculaires au plan de projection, y sont représentées par des parallélogrammes.

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Fig. 22

Pour représenter le quadrillage de la face horizontale inférieure et de la face latérale gauche, deux méthodes sont proposées.

a) On commence par représenter la division de chaque face en quatre carrés : on représente le centre de chaque face, point d’intersection des diagonales, et ensuite les médianes (figure 23a). On recommence l’opération pour chacun des carrés afin de représenter 16 carrés sur chaque face (figure 23b) et 64 carrés à l’étape suivante.

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Fig. 23

b) On divise en 8 segments égaux deux côtés adjacents de chacune des faces. On représente ainsi des sommets des carrés du quadrillage (figure 24a). Par ces points, on trace des parallèles aux côtés des faces pour obtenir le quadrillage (figure 24b).

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Fig. 24

Dans les deux méthodes, on a utilisé des propriétés des projections parallèles établies lors du travail sur les ombres :

  • une figure parallèle au plan de projection est isométrique à son image,
  • le parallélisme est conservé,
  • dans une même direction, l’égalité des distances est conservée [6]La conservation des égalités des distances dans une direction peut être déduite de la conservation du parallélisme..

4.2. Résolution en perspective centrale

La figure 25 montre une représentation de la boîte en perspective centrale. Il s’agit de son image par une projection centrale sur un plan vertical parallèle à la face du fond. Contrairement à ce qui se passe en perspective cavalière, on peut placer l’objet de manière à voir sur le dessin les cinq faces intérieures. Le contour de l’ouverture de la boîte et la face du fond sont représentés par des carrés. Les quatre autres faces sont représentées par des trapèzes dont les côtés non parallèles sont sur des droites qui convergent en un point. Ce point est le point de fuite des droites horizontales perpendiculaires au plan de projection et est aussi appelé point de fuite principal.

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Fig. 25

Nous avons utilisé des propriétés des projections centrales établies précédemment :

  • une figure parallèle au plan de projection est homothétique à son image,
  • les images de droites parallèles entre elles mais non parallèles au plan de projection concourent en un point.

La deuxième propriété est utilisée, pour la première fois, dans le cas de droites parallèles qui ne sont pas toutes dans un même plan.

À ce stade-ci, on dispose d’un code pour représenter la boîte en perspective centrale. Les dessins obtenus peuvent varier : les carrés peuvent être plus ou moins décentrés et leurs tailles plus ou moins différentes. On peut choisir de laisser un caractère arbitraire à ces éléments. Ou, on peut choisir d’approfondir la question de la diversité des aspects possibles. On découvrira alors que ces aspects dépendent de paramètres liés aux positions relatives de l’objet, du centre de projection et du plan de projection.

Pour représenter le quadrillage des faces intérieures, on peut utiliser des méthodes analogues à celles utilisées en perspective cavalière.

a) On commence par diviser les faces en quatre carrés. Sur le dessin, on représente d’abord le centre de la face à l’intersection des diagonales et on représente ensuite les médianes : les images des médianes parallèles au plan de projection forment un carré et les images des médianes perpendiculaires au plan de projection sont sur des droites qui convergent au point de fuite principal (figure 26a). On recommence ensuite l’opération pour chacun des carrés (figure 26b).

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Fig. 26

b) Par l’autre méthode, on procède en deux temps. On représente d’abord les droites du quadrillage perpendiculaires au plan de projection. Pour cela, on utilise la conservation de l’égalité des segments situés sur des parallèles au plan de projection, ce qui permet de subdiviser le contour de l’ouverture, et on dessine ensuite les droites qui convergent au point de fuite principal (figure 27a). Pour représenter les autres parallèles du quadrillage, on utilise une propriété déjà rencontrée : la conservation des diagonales des quadrillages (figure 27b).

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Fig. 27

5. Représentations du module de paix à l’aide du quadrillage

On suppose que les petits cubes qui forment le module ont même côté que les carrés du quadrillage. La figure 28 montre, vus du haut, trois modules posés sur la face horizontale de la boîte.

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Fig. 28


Représentez ces modules en perspective cavalière en vous servant du quadrillage construit précédemment (figure 24b). Faites ensuite le même travail en perspective centrale (figure 27b).  

5.1. Résolution en perspective cavalière

La hauteur du module vaut quatre fois le côté des carrés du quadrillage et sa représentation est partout en vraie grandeur. La véritable difficulté consiste donc à représenter la face inférieure du module.

a) Dans la position 1, c’est simple (figure 29).

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Fig. 29

b) Pour représenter le module dans la position 2, on commence par relever la face inférieure de la boîte sur la face du fond, car celle-ci est parallèle au plan de projection et les figures y sont vues en vraie grandeur. Nous y dessinons un des carrés qui constituent la face inférieure du module (figure 30).

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Fig. 30

Il faut ensuite ramener ce carré sur le quadrillage horizontal. Pour cela, on commence par tracer, dans ce quadrillage, les deux diagonales sur lesquelles apparaîtront les côtés du carré (figure 31a). Dans ce quadrillage, les côtés du carré n’apparaissent pas en vraie grandeur. Par contre on voit en vraie grandeur les projections des côtés sur les lignes du quadrillage parallèles à la face du fond. Nous allons donc construire sur la face du fond les projections des côtés sur les lignes horizontales du quadrillage (figure 31b), ensuite utiliser des lignes de rappel (en trait interrompu sur la figure 31b) pour ramener les projections des côtés sur les lignes correspondantes du quadrillage du plan horizontal. On obtient ainsi la projection de chaque côté ; la construction des deux premiers côtés du carré est alors immédiate.

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Fig. 31a
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Fig. 31b

On peut terminer la représentation du carré de base et ensuite celle de la face inférieure du module (figure 32).

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Fig. 32

c) La représentation du module dans la position 3 est analogue. Les figures 33 et 34 montrent les constructions terminées.

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Fig. 33
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Fig. 34

5.2. Résolution en perspective centrale

Nous avons choisi une résolution qui exploite le quadrillage donné, comme dans le cas de la perspective cavalière. Nous utiliserons en plus le point de fuite principal présent sur la figure.

a) Pour le module en position 1, on représente la face inférieure du module en suivant le quadrillage (figure 35).

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Fig. 35

On complète la représentation (figures 36 et 37) en utilisant les propriétés suivantes :

  • les horizontales parallèles au plan de projection sont représentées par des horizontales,
  • les verticales sont représentées par des verticales.

Pour faciliter les constructions, on peut également utiliser le fait que les images des perpendiculaires au plan de projection sont sur des droites qui convergent au point de fuite principal.

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Fig. 36
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Fig. 37

b) Pour représenter le module en position 2, on commence par relever la face inférieure de la boîte sur la face du fond et on y dessine la face inférieure du module A'B'F'E'H'C' qui y est vue en vraie grandeur (figure 38).

Des lignes de rappel permettent d’associer des segments parallèles horizontaux représentant des segments parallèles de même longueur dans la réalité. Ces lignes de rappel sont dessinées en trait interrompu. Ce sont des lignes verticales sur le dessin de la face du fond et ce sont des droites convergeant au point de fuite principal sur le dessin de la face inférieure.

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Fig. 38

Sur la face horizontale, on place le point A et on trace les diagonales du quadrillage passant par A, à savoir d_1 et d_2 ; à partir de B', on détermine le point B sur d_1 ; puis à partir de C', le point C sur d_2 ; à partir de D', le point D également sur d_2 ; ensuite, à partir de E' sur B'C', on repère la position de E sur BC ; et, à partir de F' sur D'E', on obtient F sur DE ; à partir de G' sur B'F', on obtient G sur BF ; et enfin, H' sur G'C' nous fournit H sur GC.

On termine la représentation (figure 39) en utilisant les propriétés suivantes :

  • les verticales sont représentées par des verticales,
  • les segments égaux situés dans un plan parallèle au plan de projection sont représentés par des segments égaux.
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Fig. 39

Notons que le texte présente une solution parmi d’autres possibles. On pourrait par exemple résoudre le problème en se servant des points de fuite associés aux directions de la base du module.

c) La représentation de la base du module en position 3 est analogue. La figure 40 montre comment représenter la face inférieure du module et la figure 41 montre la construction terminée.

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Fig. 40
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Fig. 41

6. Représentations du module de paix sans quadrillage

La figure 42 est une représentation en perspective cavalière d’un module disposé verticalement, en position frontale. Complétez cette figure en représentant le même module de telle sorte que l’arête OP soit sur la droite d et que P soit placé à l’avant de O.

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Fig. 42

Faites ensuite le même travail en perspective centrale.

6.1. Résolution en perspective cavalière

Concentrons-nous sur la représentation de la face inférieure du module, car une fois cette partie-là du problème résolue, le reste suit aisément.

Cette face inférieure, composée de trois petits carrés isométriques, est placée dans un carré dont la figure 43 montre l’image en perspective cavalière. Un des côtés de ce grand carré est en position frontale. Que devient la représentation de ce carré si le côté OP prend la direction de d avec P devant O ?

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Fig. 43

Commençons par tracer d_1 , la parallèle à d passant par O et cherchons la nouvelle position P_1 de P sur d_1 (figure 44).

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Fig. 44

Pour l’obtenir, nous allons passer par une représentation en position frontale du carré ABCD (figure 45). Nous relevons le quadrilatère ABCD et l’amenons dans la position A'B'BA.

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Fig. 45

Soit E, l’intersection de d_1 avec AB. On construit aisément E' et O' . Comme la droite d_1 passe par E et par O, la droite d'_1, passant par E' et O', est la représentation de d_1 dans ce plan frontal. Elle coupe AB en F'. Tout se passe comme si les figures ABCD et A'B'BA représentaient deux faces intérieures d’une boîte cubique décorées d’un même dessin.

Sur d'_1 nous plaçons le point P'_1 tel que O'P'_1 = O'P' (figure 46). Et en utilisant les propriétés de la perspective cavalière, nous obtenons la position de P_1 sur d_1. Le segment OP_1 ainsi obtenu donne donc la longueur de la représentation de l’arête OP dans la direction de la droite d. Il nous reste à déterminer la longueur de la représentation de cette même arête OP dans la direction perpendiculaire à d.

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Fig. 46

Servons-nous à nouveau du plan frontal. Traçons-y p' perpendiculaire à d'_1 en O' (figure 47). Cette droite p' rencontre le côté A'A en X'. Cherchons le point X de AD correspondant à X' . Pour cela, on utilise la propriété suivante :
-les rapports de longueurs dans une même direction sont conservés.

On a donc

    \[\frac{AX}{XD}=\frac{A'X'}{X'A}. \hspace{2cm}(1)\]

La figure constituée du carré A'B'BA et des droites d'_1 et p' est invariante pour une rotation de 90° autour du point O' et par conséquent, on a

    \[A'X'=AF' \hspace{1cm}\text{et} \hspace{1cm}  X'A=F'B.\hspace{2cm} (2)\]

Des égalités (1) et (2), on déduit

    \[\frac{AX}{XD}=\frac{AF'}{F'B}.\]

Dès lors, pour déterminer le point X, on trace la diagonale BD et la parallèle à BD passant par F'. Celle-ci coupe AD en X . Les points X et O déterminent la droite p cherchée.

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Fig. 47

Il reste à repérer sur p le point P_2 tel que OP_2 soit la représentation d’un segment de même longueur que l’arête OP. Pour cela, dans le plan frontal, on construit P'_2 tel que O'P' = O'P'_2 et, en utilisant les propriétés de la perspective cavalière, on en déduit la position de P_2 sur p (figure 48).

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Fig. 48

Sachant à présent comment représenter un segment de même longueur que l’arête OP dans la direction de d et dans la direction perpendiculaire à d, il reste à tracer les parallèles nécessaires pour dessiner la face inférieure du module (figure 49).

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Fig. 49

On termine la représentation en prenant comme hauteur le double de la longueur du côté AB du parallélogramme.

6.2. Résolution en perspective centrale

Comme dans le cas de la perspective cavalière, le problème principal est de représenter la base du deuxième module (figure 50).

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Fig. 50

Dans un premier temps, nous allons représenter la base du module ayant tourné autour de O jusqu’à avoir son arête OP sur la droite d_1 qui est parallèle à d dans la réalité. Pour tracer d_1, nous avons besoin de la ligne d’horizon sur laquelle se trouvent les points de fuite des droites horizontales ; il s’agit de la droite horizontale menée par le point de fuite principal F. Les droites d_1 et d se rencontrent au point de fuite F_d (figure 51).

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Fig. 51

Pour représenter une droite qui, dans la réalité, est perpendiculaire à la droite d_1, nous allons utiliser une propriété des projections centrales qui n’est pas intervenue jusqu’à présent : l’angle alpha formé par deux droites de l’objet réel se retrouve au niveau du centre de projection Z lorsqu’on joint Z aux points de fuite des deux droites (figure 52).

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Fig. 52

Cette propriété permettra d’abord de préciser la position du centre de projection à partir du dessin donné, ensuite de représenter une droite qui est perpendiculaire dans la réalité à la droite d donnée. Nous utiliserons aussi cette propriété pour construire, sur des droites sécantes du dessin, des segments qui ont la même longueur dans la réalité. Cette propriété nous permettra ainsi de résoudre le problème sans utiliser une vue en vraie grandeur du plan sur lequel les objets sont posés.

Commençons donc par déterminer la position du centre Z de projection à partir du dessin. Le centre Z se trouve dans le plan horizontal mené par la ligne d’horizon, sur une perpendiculaire à la ligne d’horizon menée par le point de fuite principal F. Pour situer Z sur cette droite, nous utilisons le point de distance F' . Un point de distance est, par définition, le point de fuite d’une famille de parallèles horizontales inclinées à 45° par rapport au plan de projection. Le point F' se trouve sur la ligne d’horizon et s’obtient à partir de l’image d’une diagonale de la base du module. Nous pouvons maintenant situer Z car la distance de Z au point de fuite principal F est égale à la distance de F à F' . A la figure 53, le plan horizontal contenant Z a été rabattu dans le plan du dessin, au-dessus de la ligne d’horizon, par rotation autour de la ligne d’horizon.

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Fig. 53

Nous pouvons à présent déterminer le point de fuite F_p des droites horizontales perpendiculaires à d dans la réalité et mener par F_p la droite p passant par O (figure 54). Pour ce faire, nous avons utilisé la propriété illustrée à la figure 52.

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Fig. 54

Nous allons à présent construire sur d_1 , un point P_1 de sorte que OP et OP_1 représentent des segments de même longueur. Il s’agit donc de construire un triangle OPP_1 représentant un triangle isocèle, les angles en P et P_1 devant être égaux dans la réalité. Nous pouvons à nouveau utiliser le centre Z de projection et bissecter l’angle joignant Z aux points de fuite F et F_d ce qui fournit le point Q sur la ligne d’horizon (figure 55). L’intersection de QP avec d_1 fournit le point P_1 cherché [7]Cette construction apparaît dans le traité de Brook Taylor de 1715, Linear Perspective : or, a New Method of Representing justly all manner of Objects as they appear to the Eye in all situations, … Continue reading.

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Fig. 55

Pour représenter le segment situé de l’autre côté de O, nous utilisons la conservation de l’égalité de segments situés sur des parallèles au plan de projection (figure 56). On trace OQ'_1 de même longueur que OQ_1 et on trouve P'_1 à l’intersection de d_1 et de FQ'_1 .

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Fig. 56

De manière analogue, on détermine sur la droite p deux segments représentant des arêtes de la base du module (figure 57).

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Fig. 57

On peut ensuite représenter la base du module ayant une arête le long de d_1 en utilisant les points de fuite F_d et F_p (figure 58).

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Fig.58

Pour disposer le module le long de d, il suffit d’utiliser la conservation de l’égalité de segments se trouvant sur des parallèles au plan de projection.

Conclusion

La thèse principale de cette étude est que les représentations planes d’objets de l’espace peuvent être présentes à toutes les étapes d’apprentissage de la géométrie, de la prime enfance à l’âge adulte et qu’elles sont appelées à jouer les trois rôles suivants.

1. Elles sont un mode d’expression et de communication des situations spatiales dans tous les cas où on ne dispose pas de modèles à trois dimensions. A ce titre, elles sont un outil pour apprendre certains chapitres de géométrie.

2. Mais dans la mesure où on les ramène techniquement à des projections parallèles ou centrales, la théorie des projections et d’autres notions de géométrie sont un outil pour produire et interpréter les représentations. En nous appuyant en cours de route sur des propriétés d’incidence et d’orthogonalité, ainsi que sur le théorème de Thalès dans le plan et sur le théorème de Pythagore, nous avons illustré le fait que d’autres notions de géométrie (par delà la théorie des projections sricto sensu) interviennent dans les représentations.

3. Les représentations planes sont un sujet d’étude géométrique intéressant en soi, ne serait-ce que par leur intérêt dans la vie quotidienne et dans l’histoire de l’art.

Par ailleurs, on discerne clairement plusieurs étapes dans l’apprentissage des représentations planes. Les voici, rapidement esquissées, dans un ordre non entièrement obligé.

1. La réalisation de dessins par les enfants, point de départ essentiel, les amène à exercer l’observation et les perceptions. Elle leur fournit des occasions de réaliser le caractère réducteur et les ambiguïtés des représentations : l’impossibilité fréquente d’exprimer fidèlement un concept, en l’occurrence celui de table. A ce stade, pas de théorie géométrique mais, vers la fin du primaire, la familiarisation avec un premier code de représentation, celui de la perspective cavalière. Soulignons par ailleurs que, s’il est vrai que les dessins d’enfants sont loin de la géométrie théorisée, ils y préparent.

2. Nous avons débuté l’étude des représentations planes par le biais des trois vues coordonnées, chacune simple, mais avec la difficulté si instructive (si utile à l’exercice de l’intuition spatiale) de leur coordination.

3. Nous avons ensuite abordé les premiers éléments des projections parallèles et centrales par le biais des ombres. Cet apprentissage mobilise diverses propriétés de la géométrie d’incidence et de la proportionnalité. Nous avons opté pour un apprentissage concomitant des deux types de projections et des modes de représentation qui y sont associés. Cela permet de mettre en évidence les analogies et les différences qui existent entre ces deux modes de représentation. Leur confrontation contribue à se familiariser avec leurs propriétés respectives.

4. Nous avons poussé nos exemples jusqu’à la réalisation de perspectives cavalières et centrales de quadrillages et d’objets de l’espace. Nous n’avons pas eu le loisir de compléter notre étude par une approche technique complète des deux types de projection.

Dans l’introduction, nous avons annoncé l’exposé de quelques activités de représentations planes d’objets de l’espace. Or, nous avons traité à plusieurs reprises de représentations d’objets plans comme des échelles et des quadrillages. Notons à ce sujet que, pour dessiner un objet de l’espace, on a souvent besoin d’y discerner des parties planes. En outre, des objets plans situés dans l’espace sont des objets de l’espace et, à ce titre, relèvent de la géométrie de l’espace.

On dira peut-être que la référence constante à la verticale et à l’horizontale, qui relèvent de la physique, sortent du cadre de la géométrie. Mais celle-ci part du monde réel avant de devenir abstraite et formelle. Et, dans ce contexte du monde réel, on travaille la pensée géométrique.

Les représentations planes constituent un fil conducteur au sens où, obéissant à une progression claire, elles sont une source de questions et d’intuitions, et un champ d’application de la théorie à toutes les étapes de l’éducation. Elles sont un contexte de référence dans lequel, à chaque étape, on peut savoir d’où on vient, où on est et vers où on va. On peut même y discerner en filigrane une progression dans la suite des géométries emboîtées du Programme d’Erlangen, dans la mesure où les projections orthogonales (telles que nous les avons présentées, avec des vues en vraie grandeur), parallèles et centrales sont parentes respectivement des géométries métrique, affine et projective.

Soulignons que nos exemples d’activités n’épuisent pas les points d’appui possibles pour apprendre les représentations planes. Nous n’avons fait allusion ni à l’histoire de la perspective en peinture, ni à la “vitre de Dürer”, ni à la photographie, … Il n’était pas nécessaire d’évoquer toutes ces possibilités pour montrer leur caractère fécond.

Bibliographie

  • BKOUCHE R. (1982), De l’enseignement de la géométrie, dans Actes du colloque sur l’enseignement de la géométrie, 33-44, Mons.
  • BKOUCHE R. (1988), Appendice historique, in LEHMANN D., BKOUCHE R. , Initiation à la géométrie, PUF, Paris.
  • CREM (1995), Les mathématiques de la maternelle jusqu’à 18 ans, Essai d’élaboration d’un cadre global pour l’enseignement des mathématiques, Ministère de l’Education, de la Recherche et de la Formation de la Communauté française de Belgique, Nivelles.
  • CUISINIER G., LEGRAND D. & VANHAMME J. (1995), Géométrie de l’espace par le biais de l’ombre à la lampe, Academia Erasme, Namur.
  • GILBERT TH. (1987), La perspective en questions, Gem-Ciaco éd.
  • GRAND’HENRY-KRYSINSKA M. (rééd. 1998), Géométrie dans l’espace et géométrie de l’espace, Academia Bruylant, Louvain-La-Neuve.
  • LISMONT L. & ROUCHE N., coordinateurs, (2001), Construire et représenter, un aspect de la géométrie de la maternelle jusqu’à 18 ans, CREM, Nivelles
  • TOSSUT R. (1996), La naissance de la démonstration projective, Thèse de Doctorat, Université Charles de Gaulle, Lille III.
  • WITTMANN E. (1998), Géométrie élémentaire et réalité, Introduction à la pensée géométrique, Didier Hatier, Bruxelles.
  • MACQUOI J., MÜLLER G.N., WITTMANN E. & COLLABORATEURS (2000), Jeu associé au manuel Faire des maths en première année, Erasme.

Publications

Ce travail a fait l’objet de deux publications :

  • G. Cuisinier, C. Docq, Th. Gilbert, C. Hauchart, N. Rouche et R. Tossut, Les représentations planes comme un fil conducteur pour l’enseignement de la géométrie, in Actes du Colloque international du CREM (Mons juillet 2005), Annales de Didactique et de Sciences Cognitives, Supplément vol. 11, p. 51-71, IREM de Strasbourg.
  • G. Cuisinier, C. Docq, Th. Gilbert, C. Hauchart, N. Rouche et R. Tossut, Les représentations planes comme un fil conducteur pour l’enseignement de la géométrie, in Mathématique & Pédagogie, n° 164, 2007. (Texte intégral disponible en pdf ci-dessous.)

Documents joints

Les représentations planes comme un fil conducteur pour l’enseignement de la géométrie

Notes

Notes
1 Une lampe ponctuelle et, au cas où le soleil est caché, une lampe à faisceaux parallèles sont disponibles en classe.
2 Il s’agit d’une figure plane, correspondant à une échelle à montants parallèles de même longueur, et aux échelons perpendiculaires aux montants et régulièrement disposés (les espaces inter-échelons sont des rectangles isométriques).
3 Dans la suite de ce texte, nous commettons l’abus de langage qui consiste à utiliser échelle, montants, échelons, espaces inter-échelons, etc. au lieu de image de l’échelle, images des montants, images des échelons, images des espaces inter-échelons, etc. , estimant que le contexte permet de déterminer l’interprétation qu’il faut choisir.
4 On considère que la figure ne se trouve pas dans le plan parallèle au plan de projection passant par C.
5 On considère qu’aucune des deux droites ne passe par C.
6 La conservation des égalités des distances dans une direction peut être déduite de la conservation du parallélisme.
7 Cette construction apparaît dans le traité de Brook Taylor de 1715, Linear Perspective : or, a New Method of Representing justly all manner of Objects as they appear to the Eye in all situations, (in Kirsti Andersen, Brook Taylor’s Work on Linear Perpective, Springer-Verlag, New York, 1992). Le problème traité alors par Taylor est le suivant : « Etant donné la ligne de fuite d’un plan, son centre et sa distance, construire la représentation d’un cercle à partir de la représentation donnée d’un rayon. ».