Activités géométriques pour les écoles professionnelles… et les autres

Les vingt-quatre fiches de travail rassemblées ici ont été expérimentées dans quelques classes d’enseignement professionnel en 1981-82, de la 1re accueil à la 5e vente. Nous n’avons éprouvé aucune difficulté à proposer des travaux identiques à des élèves d’âges aussi différents. Sans doute est-ce dû au fait que la géométrie est très peu pratiquée à l’école professionnelle et que tous nos élèves étaient en quelque sorte novices dans cette matière. Évidemment, chacun d’eux a poussé son travail plus ou moins loin, selon son degré de maturité.

Quel sens cela peut-il avoir d’enseigner la géométrie ? Est-ce que le reste des mathématiques ne suffit pas ? Le reste c’est-à-dire sans doute savoir calculer numériquement et algébriquement, connaître et manier les fonctions les plus communes. Ces dernières matières, il est vrai, sont importantes.
Mais il est remarquable qu’elles se communiquent par la voie symbolique : les nombres s’écrivent avec des chiffres et les chiffres sont des symboles, les lettres de l’algèbre symbolisent des nombres et apparaissent en quelque sorte comme des symboles de symboles, les fonctions s’écrivent symboliquement la plupart du temps.

Il n’en va pas de même de la géométrie qui, dans ses débuts tout au moins, propose à la réflexion des objets qui ont une extension spatiale, qu’on
peut regarder, toucher, manier, dessiner, construire.
La géométrie constitue la partie des mathématiques où les objets de pensée sont accessibles au sens, sont perçus, au lieu d’être représentés par des signes qui, étant conventionnels, ne signifient rien par eux-mêmes.

Dans la géométrie commençante, l’esprit est en prise directe avec le corps
et avec les choses. De ce fait, la géométrie est une source d’intuitions irremplaçables. Celles-ci servent dans tout le reste des mathématiques et ailleurs, car aucun esprit ne fonctionne de façon purement symbolique.
Tout le monde a besoin d’images pour penser, et ce qui varie d’une personne à l’autre, c’est la nature des images qu’elle emploie. Il est bon qu’un enseignement de géométrie propose un vaste choix d’images où chacun puisera les moyens de pensée qui lui conviennent.

Quand nous avons fait le projet de ces fiches de travail, nous voulions y mettre, en un sens à préciser, des mathématiques qui servent :
“en professionnel, il faut que ça serve, il faut que la matière ait un
intérêt pratique”. Or il est bien difficile de respecter cette exigence
en ce qui concerne la géométrie. Le monde familier des élèves, c’est-à-dire la classe, le quartier, la maison, offre certes bien des occasions de réflexion géométrique, mais ces occasions sont difficiles à coordonner
en un enseignement cohérent.

Comme nous voulions de toutes façons partir du terrain de l’élève,
nous ne pouvions pas non plus adopter un projet essentiellement théorique, comme par exemple enseigner la géométrie affine plane.
Après de longues discussions, nous avons assuré la cohérence de nos leçons en leur donnant pour thème général : représenter des objets pour communiquer des informations spatiales.
Un coup d’œil à la table des matières montrera comment nous avons interprété ce thème en partant de polyèdres dessinés et développés de diverses façons pour aboutir à des maquettes et plans d’architectes, et des représentations d’ombres à partir de projections cotées.

Il s’agit d’une géométrie pour débutants. Elle n’emprunte donc pas
la forme classique d’une succession de définitions, lemmes, théorèmes,
etc.
Elle n’est pas davantage une collection de recettes du genre :
pour projeter orthogonalement, il faut … pour obtenir une perspective
cavalière, on fait comme ceci puis comme cela … .
Au contraire, les élèves sont amenés à observer, expérimenter et réfléchir, à inventer eux-mêmes des solutions. Ils argumentent sans cesse sur les chantiers de leurs travaux et rencontrent de temps en temps de véritables démonstrations (par exemple celle relative aux cinq polyèdres réguliers et
celle qui traite du dénombrement des développements du cube).
Ces activités entremêlant l’expérience et le raisonnement initient à la pensée
conceptualisante et abstraite. Les élèves du professionnel ont droit
comme les autres à ce type d’éducation. Ceux avec qui nous avons travaillé y ont bien progressé dans l’ensemble.

On trouvera dans le corps du texte des fiches encadrées, destinées
aux élèves. La suite des fiches est entrecoupée de commentaires destinés au professeur : on y trouve des points de théorie, des indications
sur la façon d’utiliser les fiches et quelques échos des travaux d’élèves.

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